Un blouson de cuir posé sur une soutane, une Harley qui vrombit devant une église : voilà qui ferait froncer bien des sourcils au conseil paroissial. Pourtant, Guy Gilbert, prêtre catholique et figure incontournable du monde des bikers, s’est forgé une place à la marge depuis les années 70, loin des sentiers battus de la pastorale classique.
Guy Gilbert, le curé des motards : un parcours hors du commun
Né dans une famille ouvrière, Guy Gilbert a poussé ses premiers pas dans la France de l’après-guerre, où débrouillardise et solidarité de quartier dictent le ton. Il navigue entre la rue, l’école, et une église où la porte reste ouverte à toute heure. Avant même d’embrasser la vie consacrée, il passe par le service militaire en pleine guerre d’Algérie. Cette expérience brutale forge sa sensibilité aux laissés-pour-compte et ancre chez lui une envie d’agir différemment.
De retour à Paris, il se lance auprès des jeunes délinquants des quartiers populaires. Plutôt que de prêcher en chaire, il arpente le bitume, engage le dialogue, intervient sans détour. On ne tarde pas à le surnommer curé des loubards. Sa manière de parler vrai, de refuser les codes imposés, marque les esprits. Pas de provocation gratuite chez lui : juste la volonté d’aller vers ceux que tous fuient.
Sa notoriété n’est pas née des plateaux de télévision mais du terrain : discussions à voix basse, accompagnement discret des familles, soutien indéfectible auprès des jeunes en rupture. L’action le porte plus haut que la théorie. Il fréquente naturellement les rassemblements de motards, tant en ville qu’en province, conservant sa fidélité à la rue. Le « père Guy » devient ce lien improbable entre l’Église et la société, sans renoncer à son identité.
De la rue aux rassemblements de bikers : anecdotes et rencontres marquantes
Sa silhouette ne passe jamais inaperçue : blouson jeté sur la soutane, Guy Gilbert descend régulièrement sur les parkings bondés des bénédictions de motards dans le sud de la France. Il échange face à la foule, casque à la main, le regard malicieux. Devant les baroudeurs, les familles en vadrouille, les jeunes en quête de repères, il gomme les frontières. Il ne sermonne jamais, il parle, écoute, tend la main.
Un soir à la ferme de la Palud, au cœur du Verdon, une messe s’improvise entre deux motos brillant sous la lune. Un silence rare gagne l’assemblée. Ceux qui viennent l’entendre n’y cherchent pas forcément la foi, mais la chaleur d’un échange sans masque. Pour certains, c’est le déclic. Pour d’autres, simplement un moment de répit dans une vie cabossée.
Les histoires circulent. Un motard un peu trop seul est accueilli sans condition lors d’un pèlerinage. Une famille ébranlée retrouve des forces après quelques mots échangés avec le père Guy. À chaque halte, le prêtre bikers invente une nouvelle façon d’être à l’écoute, loin des rituels froids, là où la passion se mêle à la recherche d’amitié et de sens.
Des valeurs fortes et une spiritualité vivante au service des exclus
Appelé curé des motards ou encore « curé des loubards », Guy Gilbert revendique une spiritualité nourrie par l’action. Sa priorité absolue : les jeunes en difficulté, les marginaux, tous ces invisibles dont on se détourne souvent. Son passage comme éducateur dans les quartiers populaires a renforcé sa conviction : la foi doit s’incarner, pas s’afficher.
Pour saisir le cœur de sa démarche, voici les fondements qui guident chacune de ses actions :
- Une écoute sincère, dénuée de tout jugement
- Le respect du parcours et de la dignité de chacun
- La fraternité dans le quotidien, transformée en actes
Son blouson de cuir ? Bien plus qu’un symbole. C’est la preuve qu’il préfère rejoindre le groupe plutôt que de s’en distinguer. Il défend haut et fort l’importance de la tendresse, la justice et la capacité à pardonner. Cette authenticité touche autant les croyants que ceux qui se tiennent à distance des églises, on perçoit, dans sa voix, une humanité franche et sans détour.
Le quotidien l’emporte toujours sur les grandes déclarations. Pour Guy Gilbert, la spiritualité prend forme dans le réel : la prière ne vaut que si elle débouche sur l’action, la rencontre, la solidarité.
Où en est Guy Gilbert aujourd’hui ? Projets, actions et messages pour demain
Hors de question pour lui de ranger le blouson au placard. Guy Gilbert continue son engagement à la ferme de la Palud-sur-Verdon, perchée dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ce lieu atypique accueille des jeunes en difficulté venus d’horizons variés. Ici, le mot d’ordre est simple : liberté, confiance, entraide. La pédagogie passe par le respect mutuel, le travail en plein air, le soin donné aux bêtes, la force de la vie collective.
88 ans au compteur, et toujours l’énergie contagieuse. Il anime messes et rencontres, reste à l’écoute des motards venus partager un moment, vider leur sac ou nourrir un doute. La ferme Palud Verdon fait office de laboratoire vivant : on y apprend à cohabiter, à tendre la main, à se reconstruire au contact des autres.
Sous le radar médiatique, Guy Gilbert garde sa ferveur intacte. Il multiplie les initiatives : ateliers d’écriture, chantiers collectifs, accompagnement scolaire. Il sait que tout engagement sincère commence par l’action. À la radio ou sur le terrain, ses messages d’espérance secouent la routine et bousculent l’indifférence ambiante.
À la ferme, il transmet son savoir à la relève. Il pousse les jeunes à s’exprimer, refuse que la fatalité ait le dernier mot. Son histoire, enracinée dans l’expérience, donne envie de chercher une voie propre et courageuse.
À la croisée des routes, Guy Gilbert demeure inclassable. Lui qui chevauche entre l’Église et le monde rêve d’une société moins rigide, pleine d’élans, où chaque rencontre comptera. Peut-être que, là-bas, sur le bitume ou dans les allées de la Palud, une poignée de jeunes hissent discrètement le blouson sur leurs épaules. Et prennent, à leur tour, la route autrement.


